LA CONTRE-CULTURE FRANÇAISE AVEC NICOLA L. | CRASH Magazine
ART

LA CONTRE-CULTURE FRANÇAISE AVEC NICOLA L.

By Lise Guéhenneux

Comment une artiste invisible à force d’être vivante et de suivre ses amitiés sincères, vient aujourd’hui crever les vieux mythes. L’exposition actuellement au FRAC Bretagne nous en dit plus.

 

Depuis bien longtemps, nous attendions une exposition consacrée à l’artiste Nicola L .  qui n’a jamais été remarquée par un classement au top du marché malgré une activité remarquable depuis les années 1960 et jusqu’à sa disparition en 2018. Et l’apparition de cette artiste française peut être marquée d’une croix blanche, telle en 1997 pour l’exposition « Vraiment. Féminisme et art » au centre d’art le magasin à Grenoble,  la présentation de sa pièce la plus iconique, Seame skin for everybody un manteau pénétrable créé  pour 11 personnes performé pour la première fois au festival de l’île de Whight lors de l’intervention tropicaliste de Gaetano Veloso et Gilberto Gil. Ce « pénétrable », (notion davantage attribuée à l’artiste Jesus Rafael Soto (1923-2005) montre à quel point Nicola L. transcende toutes les chapelles qui se mettent en place dans les années 1970, après que l’été de l’amour et le mouvement hippie s’abîment dans les débordements violents  du festival d’Altamont ainsi que dans le meurtre de l’actrice Sharon Tate par la « Manson Family ». Partie de Paris alors qu’elle donnait dans une peinture abstraite qui n’intéressait personne sur une scène dominée par les peintres masculins des années 1950, elle commence à faire « pénétrer » le corps dans une toile encore enchâssées puis elle lâche l’affaire, libérant du même coup le tissu jusqu’à lui faire prendre la forme manifeste des banderoles de mai 1968 alors qu’elle revient à Paris pour suivre ce mouvement auquel elle veut participer. L’art de Nicola l’a amené à faire sauter toutes les barrières entre les différentes scènes lors d’un parcours qui l’a mené de Paris à New-York en passant par Ibiza, une vie sans véritable stratégie de carrière. Insaisissable parce qu’elle est portée à fréquenter aussi bien les artistes du pop à la Factory, que ceux de Fluxus, ne faisant pas deux expositions dans la même galerie. Elle est repérée par un petit bout de texte écrit sur sa pratique par l’inventeur des Nouveaux Réalistes, le critique d’art Pierre Restany mais s’en échappe, pour aller au contact riche d’échanges multiples auprès de l’artiste Carolee Scheemann (1939-2019) , une période pendant laquelle elle abandonne une certaine production d’objets pour filmer et documenter, témoigner de la richesse des rencontres qui la font vibrer, tel My Picture in the movies Baby  sur le groupe punk africain- américain Bad Brains qu’elle filme en 1980 avec son fils Christophe en concert dans le temple du rock underground, le CBGB à New York. Un Film que présente l’exposition du FRAC Bretagne venant combler un véritable manque de travail sur cette pratique qui vient, selon les commissaires, prouver que la contre culture n’est pas partie des Etats-Unis pour inonder le monde mais prend bien ses sources en France, notamment grâce à l’exportation des écrits d’Antonin Artaud à New York par l’intermédiaire d’artistes dont Nicola était très proche. De plus,  cette exposition marque le rôle prescripteur essentiel du service public pour un chantier de plus d’un an et demi rien que pour réunir une trentaine d’œuvres dont les trois seules pièces issues de collections françaises, soit tapis gris pour cinq personnes 1975 en fourrure acrylique appartenant au FRAC Bretagne, Canapé pied noir (1968, toile cirée, copeaux de mousse polyester) au Centre Pompidou, MNAM, Paris et l’incroyable sculpture meuble anthropomorphe (skaï, fourrure synthétique, bois), Femme Télévision (1969) déposée au CAPC de Bordeaux par le Centre national des arts plastiques duquel sort, moment d’émotion, la voix enregistrée de Nicola sur la condition féminine.

L’exposition circule entre plusieurs institutions prestigieuses, le Camden Art Center à Londres, la kunsthalle de Vienne et le musée d’art moderne et contemporain de Bolzano qui sont venues se joindre au FRAC Bretagne pour cette occasion exceptionnelle mais seul le FRAC Bretagne considère le travail de Nicola dans son contexte, relié à ses amitiés que l’artistes avaient nombreuses et généreuses, en présentant des œuvres de compagnonnage avec Yoko Ono, Claes Oldenburg et bien d’autres.

Lise Guéhenneux

Jusqu’au 18/05/2025 au FRAC Bretagne

Nicola L., Grass Penetrable, 1972 © Nicola L. Collection et Archive

Nicola L. dans Penetrable au Chelsea Hotel, New York City, 1991 © Nicola L. Collection et Archive. Crédit photo : Rita Barros.

Nicola L., Mobilier, 1969, FNAC 91691 (1), FNAC 91691 (2), FNAC 91691 (3), Centre national des arts plastiques © Nicola L. Collection et Archive / Cnap. Crédit photo : Yves Chenot

Nicola L., Grass Penetrable, 1972 © Nicola L. Collection et Archive

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